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LIVRE I, CHAPITRE LI.

Le quatriesme est qu’ils n’ont aucune vraye part aux essais que les hommes font les uns contre les autres par jalousie d’honneur et de valeur, aux exercices de l’esprit ou du corps, [1] qui est une des plus plaisantes choses qui soit au commerce des hommes. Cela vient que tout le monde leur cede, tous l’espargnent et ayment mieux celer leur valeur et trahir leur gloire, que d’heurter et offenser celle de leur souverain, s’ils cognoissent qu’il aye affection à la victoire. C’est à la verité par force de respect les traiter desdaigneusement et injurieusement, dont disoit quelqu’un [2] que les enfans des princes n’apprenoient rien à droict qu’à manier chevaux, pource qu’en tout autre exercice chascun fleschit soubs eux, et leur donne gagné ; mais le cheval, qui n’est ny flatteur ny courtisan, met aussi bien par terre le prince que son escuyer. Plusieurs grands [3] ont refusé des louanges et approbations offertes, disans : Je les estimerois, accepterois et m’en ressentirois, si elles partoient de gens libres qui osassent dire le contraire, et me taxer advenant subject de le faire.

Le cinquiesme est qu’ils sont privés de la liberté

  1. Pris dans Montaigne, L. III, C. 7.
  2. C'était Carneades. Voyez Plutarque : Comment on poura distinguer le flatteur d'avec l'ami.
  3. Charron veut probablement parler de Julien l'Apostat, dont il va citer une réponse.