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DE LA SAGESSE,


lousie : suâpte naturâ, potentiæ anxii [1] : voire jusques à leurs enfans ; supectus semper invisuque dominantibus quisquis proximus destinatur... adèo ut discpliceant etiam civilia filorum ingenia [2] : d'où vient qu'ils sont souvent en allarme et en crainte ; ingenia regum prona ad formidinem [3].

Les advantages des roys et princes souverains par dessus le peuple, qui semblent si grands et esclatans, sont en verité bien legers et quasi imaginaires ; mais ils sont bien payés par des grands, vrays et solides desadvantages et incommoditez. Le nom et tiltre de souverain, la monstre et le dehors est beau, plaisant et ambitieux, mais la charge et le dedans est dur, difficile et bien espineux. Il y a de l’honneur, mais peu ou poinct de repos et de joye : c’est une publicque et honorable servitude, une noble misere, une riche captivité : aurea et fulgidae compedes, clara miseria [4] . Tesmoin ce qu’en ont dict et faict Auguste, Marc

  1. « Par leur nature, ils sont soupçonneux et jaloux de leur puissance. », Tacit. Annal. L. IV. C. 12.
  2. « Tout proche parent d'un souverain, et qui est destiné à lui succèder lui est par là même suspect et odieux... » — Et c'est pour cela que les enfans d'un caractère agréable au peuple, sont ceux qui leur déplaisent le plus ». Tacit. Hist. L. I, C. 21. — Annal. L. II, C. 82.
  3. « Les esprits des rois sont très-portés à la crainte ». Tacit. Histor. L. IV, C. 83.
  4. « Chaines dorées et brillantes, illustre misère ».