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LIVRE I, CHAPITRE LI.


plus haut au plus bas, et non par degrés, comme il avoit demeuré long-temps à s’eslever. Il est aussi exposé à la hayne et des grands et des petits, dont il est aguetté [1], subject aux embusches et dangers ; ce qui advient aussi souvent des mœurs mauvaises des souverains et du naturel de la souveraineté, que nous allons despeindre.


[2] Souveraineté est une puissance perpetuelle et absolue, sans restriction de temps ou de condition : elle consiste à pouvoir donner loy à tous en general, et à chascun en particulier, sans le consentement d’autruy, et n’en recevoir de personne ; et, comme dict un autre [3], à pouvoir desroger au droict ordinaire. La souveraineté est dicte telle et absolue, pource qu’elle n’est subjecte à aucunes loix humaines ny siennes propres ; car il est contre nature à tous de se donner loy, et commander à soy-mesme en chose qui depende de sa volonté : nulla obligatio consistere potest quæ a voluntate promittentis statum capit [4] ; ny d’autruy, soit vivant ou de ses predecesseurs, ou du pays. La puis-

    qui s'en charge, s'expose à tous les caprices de la fortune ». Tacit. Annal. L. I, cap. 2.

  1. Épié, observé.
  2. Tout ce qui va suivre dans ce paragraphe et même dans ce chapitre, est pris dans Bodin, dont souvent ce sont les propres termes. Voyez de la Répub. L. I. c. 8.
  3. D'après Bodin, L. Ic c. 8, cet autre est Innocent IV.
  4. « Toute obligation qui ne repose que sur la volonté de