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DE LA SAGESSE,

et non tout ouvertement. Ces loix posterieures approchent de la loi de Moyse, qui veust qu’à la seule plaincte du pere faicte devant le juge sans autre cognoissance de cause, le fils rebelle et contumax soit lapidé [1], requerant la presence du juge, affin que la punition ne se fasse secrettement ou en cholere, mais exemplairement. Et ainsi, selon Moyse, la puissance paternelle est plus libre et plus grande qu’elle n’a esté depuis les empereurs : mais depuis, sous Constantin le grand, et puis Theodoze, finalement soubs Justinien, elle a esté presque du tout esteinte. De là est advenu que les enfans ont apprins à refuser à leurs parens obeissance, leurs biens et leurs secours, et à plaider contre eux : chose honteuse de voir nos palais pleins de tels procez. Et les en a on dispensés, soubs pretexte de devotion et d’offrande, comme chez les juifs dez auparavant Jesus-Christ, comme il leur reproche : et depuis en la chrestienté, selon l’opinion d’aucuns, voire les tuer ou en se deffendant, ou s’ils se rendent ennemys de la republique : combien que jamais il n’y sçauroit avoir assez juste cause de tuer ses parens [2] : nullam tantum scelus admitti

  1. Deuter. ch. XXXI, v. 18, 19 , 20, 21.
  2. Platon dit qu'il n'y a point de loi qui doive permettre de tuer, même à son corps défendant, un père ou un mère ; et qu'il vaut mieux tout souffrir que d'en venir à de pareilles extrémités contre les personnes dont on a reçu le jour. — De legib. L. IX.