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LIVRE I, CHAPITRE XLIX.


et n’eust jamais pensé que ce fust esté Dieu celuy qui le luy mandoit, s’il eust esté contre la nature : et puis nous voyons qu’Isaac [1] n’y a point resisté, ny allegué son innocence, sçachant que cela estoit en la puissance du pere. Ce qui ne desroge aucunement à la grandeur de la foy d’Abraham ; car il ne voulut sacrifier son fils en vertu de son droict ou puissance, ny pour aucun demerite d’Isaac, mais purement pour obeir au commandement de Dieu. En la loy de Moyse de mesme, sauf quelque modification. Voylà quelle a esté ceste puissance anciennement en la pluspart du monde, et qui a duré jusques aux empereurs romains. Chez les grecs elle n’a pas esté si grande et absolue, ny aux Ægyptiens : toutesfois s’il advenoit que le pere eust tué son fils à tort et sans cause, il n’estoit point puny, sinon d’estre enfermé trois jours près du corps mort [2].

Or les raisons et fruicts d’une si grande et absolue puissance des peres sur leurs enfans, très bonne [3] pour la culture des bonnes mœurs, chasser les vices, et pour le bien public, estoient premierement de contenir les enfans en craincte et en debvoir ; puis à cause

  1. Gen. ch. XXII, v. 9 et 10.
  2. Voyez Diodore de Sicile, L. I, sect. II, c. 27.
  3. Je ne sais pas, dit l'auteur de l'Analyse de la Sagesse, comment on pourrait regretter l'abolition d'une semblable loi. Elle pourrait bien être, une ressource pour les pères qui y suppléent par le cloître ; mais cette idée fait frémir.