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LIVRE I, CHAPITRE XLVIII.

loups, desquels la race est si fertile en la production de leurs petits, jusques au nombre de douze ou treize, et surpassant de beaucoup les autres animaux utiles, desquels on tue si grand nombre tous les jours, et si peu de loups ; et toutesfois c’est la plus sterile de toutes. Ce qui vient de ce que de si grand nombre il y a une seule femelle qui le plus souvent profite peu, et ne porte point, estouffée par la multitude des masles concurrens et affamés ; la plus grande partie desquels meurt sans produire à faute de femelles. Aussi voit-on combien la polygamie profite à la multiplication parmi les nations qui la reçoivent, Juifs, Mahumetans, et autres Barbares, qui font des amas de trois à quatre cents mille combattans. Au contraire le christianisme tient plusieurs personnes attachées ensemble, l’une des parties estant sterile, quelquesfois toutes les deux ; lesquels colloquez avec d’autres, l’une et l’autre laisseroit grande posterité. Mais au mieux toute sa fertilité consiste en la production d’une seule femme. Finalement reprochent que ceste restriction chrestienne produict des desbauches et adulteres. Mais à tout cela l’on respond que le christianisme ne considere pas le mariage par des raisons purement humaines, naturelles, temporelles ; mais le regarde d’un autre visage, et a ses raisons plus hautes et nobles, comme il a esté dict : joinct que l’experience monstre en la pluspart des mariages que la contraincte sert à l’amitié, principalement aux ames simples et debonnaires,