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DE LA SAGESSE,

laris banni ; Ipsicrates, femme du roy Mithridates, vaincu par Pompée, s’en allant et errant par le monde. Aucuns adjoustent à la guerre et aux provinces où le mary est envoyé avec charge publicque. Et la femme ne peust estre en jugement, soit en demandant ou deffendant, sans l’authorité de son mary, ou du juge à son refus ; et ne peust appeller son mary en jugement sans permission du magistrat [1].

Le mariage ne se porte pas de mesme façon, et n’a pas mesmes loix et reigles par-tout ; selon les diverses religions et nations il a ses reigles ou plus lasches et larges, ou plus estroictes : selon la chrestienté la plus estroicte de toutes, le mariage est fort subject et tenu de court. Il n’a que l’entrée libre ; sa durée est toute contraincte, dependant d’ailleurs que de nostre vouloir. Les autres nations et religions, pour rendre le mariage plus aisé, libre, et fertile, reçoivent et practiquent la polygamie et la repudiation, liberté de prendre et laisser femmes, accusent la chrestienté d’avoir tollu [2] ces deux, et par ce moyen prejudicié à l’amitié et multiplication, fins principales du mariage ; d’autant que l’amitié est ennemie de toute contraincte, et se maintient mieux en une honneste liberté. Et la multiplication se faict par les femmes : comme nature nous monstre richement aux

  1. Tout ceci est, mot pour mot, dans Bodin, loc. citat.
  2. Enlevé, ôté, du latin tollere.