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DE LA SAGESSE,


et à trouver douces les poinctures de la fortune [1]. Et puis enfin on ne contredict pas que celuy qui s’en passe ne fasse encore mieux. Mais à l’honneur du mariage, le chrestien dict que Dieu l’a institué au paradis terrestre avant toute autre chose, en l’estat d’innocence et perfection ; voylà quatre recommandations, la quatriesme passe tout et sans replique. Despuis le fils de Dieu l’a approuvé et honoré de sa presence, son premier miracle, et miracle faict en faveur dudict estat et des gens mariez, et l’a honoré de ce privilege, qu’il sert de figure de ceste grande union de luy avec son eglise, et pour ce il a esté appelé mystere et grand.

A la verité le mariage n’est point chose indifferente ou mediocre ; c’est du tout un grand bien ou un grand mal, un grand repos ou un grand trouble, un paradis ou un enfer ; c’est une très douce et plaisante vie, s’il est bien faict ; un rude et dangereux marché, et une bien espineuse et poisante liaison, s’il est mal rencontré ; c’est une convention où se verifie bien à poinct ce que l’on dict : home homini deus, aut lupus [2].

Mariage est un ouvrage basti de plusieurs pieces ;

  1. Voy. Plutarque, comment on pourra recevoir utilité de ses ennemis.
  2. « L'homme est pour l'homme un dieu ou un loup ». Plaute, Asinaire, act. II, sc. IV, v. 88. dit seulement : Lupus est homo homini. — Voyez aussi Montaigne, L. III, chap. 5.