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LIVRE I, CHAPITRE XLVIII.

A tout cela l'on peust dire que la nature humaine n’est pas capable de perfection et de chose où n’y aye à redire, comme a esté dict ailleurs ; ses meilleurs remedes et expediens sont tousiours un peu malades, meslez d’incommodités : ce sont tous maux necessaires : ç’a esté le meilleur que l’on a peu adviser pour sa conservation et multiplication. Aucuns, comme Platon et autres, ont voulu subtiliser et inventer des moyens pour eviter ces espines [1]: mais outre qu’ils ont faict et forgé des choses en l’air, qui ne se pouvoient bien tenir longuement en usage ; encore leurs inventions, quand elles seroient mises en practique, ne seroient pas sans plusieurs incommodités et difficultés. L’homme les cause et les produict luy-mesme par son vice et intemperance, et par ses passions contraires ; et n’en faut pas accuser l’estat, ny autre que l’homme, qui ne sçait bien user d’aucune chose. Et peust-on dire encore qu’ à cause de ces espines et difficultés, c’est une eschole de vertu, un apprentissage, et un exercice familier et domestique : et disoit Socrates, le docteur de sagesse, à ceux qui luy objectoient la teste de sa femme, qu’il apprenoit par là en sa maison à estre constant et patient par-tout ailleurs,

  1. Charron fait sans doute allusion ici à la communauté des femmes que Platon voulait introduire dans sa république, ainsi que celle des biens. Aristote a réfuté ces chimères platoniciennes. Voyez sa Politique, L. II, c. 1, 2 et 3.