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LIVRE I, CHAPITRE XLVIII.


ment et la fontaine de la societé humaine, d'où sourdent les familles, et d'elles les republiques ; prima societas in conjugio est, quod principium urbis, seminarium reipiblicæ [1]  : descrié par plusieurs grands personnages, qui l’ont jugé indigne de gens de cœur et d’esprit, et ont dressé ces objects contre luy [2].

Premierement ils ont estimé son lien et son obligation injuste, une dure et trop rude captivité ; d’autant que, par mariage, l’on s’attache et s’assubjectit par trop au soin et aux humeurs d’autruy ; que s’il advient d’avoir mal rencontré, s’estre mescompté au choix et au marché, et que l’on aye prins plus d’os que de chair, l’on demeure miserable toute sa vie. Quelle iniquité et injustice pourroit estre plus grande que pour une heure de fol marché, pour une faute faite sans malice et par mesgarde, et bien souvent pour obeyr et suyvre l’advis d’autruy, l’on soit obligé à une peine perpetuelle ? Il vaudroit mieux se mettre la corde au col, et se jetter en la mer la teste la premiere, pour finir ses jours bientost, que d’estre tous-

  1. « La première société, dans l'ordre naturel, est le mariage... c'est là le principe de la cité, et comme la pépinière de la république ». Cicer. de Offic. L. I, cap. 17.
  2. Parmi les antagonistes du mariage, il faut compter non-seulement plusieurs apôtres, mais St.-Ambroise, St.-Jérôme, Tertullien, etc., etc. On trouve dans leurs œuvres la plupart des objections que répète ici notre auteur.