Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée
344
DE LA SAGESSE,


condition qu’un charretier ; la monarchique le met au dessus de Dieu [1]. Au commander est la dignité, la difficulté (ces deux vont ordinairement ensemble), la bonté, la suffisance, toutes qualités de grandeur. Le commander, c’est-à-dire la suffisance, le courage, l’authorité, est du ciel et de Dieu : imperium non nisi divino fato datur : omnis potestas a Deo est [2]) : dont dict Platon que Dieu n’establist poinct des hommes, c’est-à-dire de la commune sorte et suffisance, et purement

  1. Toute cette phrase est prise mot-à-mot dans Montaigne, L. III, ch. 5. Mais Charron me semble en avoir détourné ou obscurci le sens. « Je feulletais il n'y a pas un mois, dit Montaigne, deux livres écossais, se combattans su ce subject (sur la préférence que mérite, soit le gouvernement démocratique, soit le gouvernement monarchique). Le populaire (c'est-à-dire, l'auteur qui défend le gouvernement du peuple) rend le roi de pire condition qu'un charretier ; le monarchique (c'est-à-dire, celui qui préfère le gouvernement d'un seul), le loge quelques brasses au-dessus de Dieu en puissance et en souveraineté ». Ceci peut servir à expliquer l'idée de Charron. Par ces mots la populaire, il n'entend pas la puissance même du peuple, mais les opinions (la contestation, comme il dit), des partisans du système de la démocratie.
  2. « L'empire n'est donné que par la providence devine : toute puissance vient de Dieu ». C'est de cette maxime du droit divin, dont l'origine remonte au gouvernement théocratique, que vient la formule de Roi par la grâce de Dieu, avec toutes ses conséquences. Noodt a complètement démontré la fausseté de cette maxime, dans son traité sur le pouvoir des souverains, traduit et commenté par Babylone.