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LIVRE I, CHAPITRE XLV.


estage ressemblent à l’ether et plus haute region voisine du ciel, sereine, claire, nette et paisible. Ceste difference d’hommes vient en partie du naturel, de la premiere composition et temperament du cerveau, qui est fort different, humide, chaud, sec, et par plusieurs degrés ; dont les esprits et jugemens sont ou fort solides, courageux, ou foibles, craintifs, plats : en partie de l’instruction et discipline ; aussi de l’experience et hantise du monde [1] , qui sert fort à se desniaiser et mettre son esprit hors de page. Au reste il se trouve de toutes ces trois sortes de gens, soubs toute robe, forme et condition, et des bons et des mauvais, mais bien diversement.

L’on faict encore une autre distinction d’esprits et suffisances ; car les uns se font voye eux-mesmes et ouverture, se conduisent seuls. Ceux-cy sont heureux de la plus haute taille, et bien rares ; les autres ont besoin d’aide, mais ils sont encore doubles ; car les uns n’ont besoin que d’estre esclairés ; c’est assez qu’il y aye un guide et un flambeau qui marche devant, ils suyvront volontiers et bien aisement. Les autres veulent estre tirés, ont besoin de compulsoire, et que l’on les prenne par la main. Je laisse ceux qui, par grande foiblesse, comme ceux de la plus basse marche, ou par malignité de nature, comme il y en a en la moyenne, qui ne sont bons à suyvre, ny ne se laissent tirer et conduire, gens desesperés.

  1. Et fréquentation.