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DE LA SAGESSE,


ressort de Socrates et Platon, modestes, sobres, retenus, considerant plus la verité et realité des choses que l’utilité ; et s’ils sont bien nais, ayant avec ce dessus la probité et le reiglement des mœurs, ils sont vrayement sages et tels que nous cherchons icy. Mais pource qu’ils ne s’accordent pas avec le commun quant aux opinions, voyent plus clair, penetrent plus avant, ne sont si faciles, ils sont soupçonnez et mal estimez des autres qui sont en beaucoup plus grand nombre, et tenus pour fantasques et philosophes ; c’est par injure qu’ils usent de ce mot [1]. En la premiere de ces trois classes y a bien plus grand nombre qu’en la seconde, et en la seconde qu’en la troisiesme. Ceux de la premiere et derniere, plus basse et plus haute, ne troublent point le monde, ne remuent rien, les uns par insuffisance et foiblesse, les autres par grande suffisance, fermeté et sagesse. Ceux du milieu font tout le bruict et les disputes qui sont au monde, presomptueux, toujours agités et agitans. Ceux de la plus basse marche, comme le fond, la lie, la sentine, ressemblent à la terre, qui ne faict que recevoir et souffrir ce qui vient d’en haut. Ceux de la moyenne ressemblent à la region de l’air en laquelle se forment tous les meteores, et se font tous les bruicts et alterations qui puis [2] tombent en terre. Ceux du plus haut

  1. On voit que ce n'est pas aujourd'hui que le mot de philosophe a été pris en mauvaise part.
  2. Qui ensuite tombent.