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DE LA SAGESSE,


les autres, et vient tant du naturel que de l’acquis ; selon laquelle y a trois sortes de gens au monde, comme trois classes et degrés d’esprits. En l’un et le plus bas sont les esprits foibles et plats, de basse et petite capacité, nais [1] pour obeir, servir et estre menés, qui, en effect, sont simplement hommes [2]. Au second et moyen estage sont ceux qui sont de mediocre jugement, font profession de suffisance, science, habilité ; mais qui ne se sentent et ne se jugent pas assez, s’arrestent à ce que l’on tient communement, et l’on leur baille du premier coup, sans davantage s’enquerir de la verité et source des choses, voire pensent qu’il ne l’est pas permis, et ne regardent poinct plus loin que là où ils se trouvent ; pensent que partout est ainsi, ou doibt estre ; que si c’est autrement, ils faillent et sont barbares. Ils s’asservissent aux opinions et loix municipales du lieu où ils se trouvent deslors qu’ils sont esclos, non seulement par observance et usage, ce que tous doibvent faire, mais encore de cœur et d’ame, et pensent que ce que l’on croit en leur village est la vraye touche de verité, (cecy ne s'entend de la verité divine revelée, ny de religion),

  1. Nés.
  2. Aristote, dans le premier chapitre du livre premier de sa Politique, cherche aussi à prouver que les hommes ne sont point naturellement égaux ; que les uns naissent pour l'esclavage et les autres pour la domination. Locke et J.-J. Rousseau ont réfuté son système.