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XLII
PRÉFACE


en substance sont-ils tous d’accord, et fort rarement differents, et la theologie ne dedaigne point d’employer et faire valoir les beaux dires de la philosophie. Si j’eusse entreprins d’instruire pour le cloistre et la vie consiliaire, c’est a dire professions des conseils evangeliques, il m’eust fallu suivre, adamassim, les advis des theologiens ; mais nostre livre instruit à la vie civile, et forme un homme pour le monde, c’est à dire à la sagesse humaine et non divine.

Nous disons donc naturellement et universellement, avec les philosophes et les theologiens, que cette sagesse humaine est une droitture, belle et noble composition de l’homme entier, en son dedans, son dehors, ses pensées, paroles, actions, et tous ses mouvemens ; c’est l’excellence et perfection de l’homme comme homme, c’est à dire selon que porte et requiert la loy premiere fondamentale et naturelle de l’homme, ainsi que nous disons un ouvrage bien fait et excellent, quand il est bien complet de toutes ses pieces, et que toutes les regles de l’art y ont esté gardées : celuy est homme sage qui sait bien et excellemment faire l’homme : c’est a dire, pour en donner une plus particulière peinture, qui se cognoissant bien et l’humaine condition se garde et preserve de tous vices, erreurs, passions, et defauts tant internes, siens et propres, qu’externes, com-