Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/377

Cette page n’a pas encore été corrigée
321
LIVRE I, CHAPITRE XLIII.


d’homme à homme que d’homme à beste [1] ; car un excellent animal est plus approchant de l’homme de la plus basse marche, que n’est cet homme d’un autre grand et excellent. Cette grande difference des hommes vient des qualités internes, et de la part de l’esprit, où y a tant de pieces, tant de ressorts, que c’est chose infinie, et des degrés sans nombre. Il nous faut ici, pour le dernier, apprendre à cognoistre l’homme par les distinctions et differences qui sont en luy : or elles sont diverses, selon qu’il y a plusieurs pieces en l’homme, plusieurs raisons et moyens de les considerer et comparer. Nous en donnerons icy cinq principales, ausquelles toutes les autres se pourront rapporter, et generalement tout ce qui est en l’homme, esprit, corps, naturel, acquis, public, privé, apparent, secret : et ainsi ceste cinquiesme et derniere consideration de l’homme aura cinq parties, qui seront cinq grandes et capitales distinctions des hommes, savoir :

La premiere, naturelle et essentielle, et universelle de tout l’homme, esprit et corps.

La seconde, naturelle et essentielle principalement, et aucunement acquise, de la force et suffisance de l’esprit.

La tierce, accidentale, de l’estat, condition et devoir, tirée de la superiorité et inferiorité.

  1. Voyez Montaigne. L. I, chap. 42, initio.