Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée
319
LIVRE I, CHAPITRE XLIII.


veust croire Pline, Herodote, Plutarque, il y a des formes d’hommes en certains endroicts qui ont fort peu de ressemblance à la nostre ; et y en a de mestisses et ambiguës entre l’humaine et la brutale [1]. Il y a des contrées [2] où les hommes sont sans teste, portant les yeux et la bouche en la poitrine ; où ils sont androgynes ; où ils marchent de quatre pattes ; où ils n’ont qu’un œil au front, et la teste plus semblable à celle d’un chien qu’à la nostre ; où ils sont moitié poisson par en bas, et vivent en l’eau ; où les femmes accouchent à cinq ans, et n’en vivent que huit ; où ils ont la teste si dure et le front, que le fer n’y peust mordre, et rebrousse contre ; où ils se changent naturellement en loups, en jumens, et puis encore en hommes ; où ils sont sans bouche, se nourrissant de

  1. Celle des brutes.
  2. On sent que tous ces peuples sont fabuleux et imaginaires. Charron n'aurait pas même dû en parler, malgré les témoignages de trois anciens auteurs qu'il cite. On nommait les peuples sans têtes, acéphales, ceux sans bouche, astomoi, etc. Mais ces noms comme ces fables sont imaginés à plaisir. Au reste, tout ce paragraphe est pris, presque mot pour mot, de Montaigne (L. II, chap. 12). Mais Montaigne et Charron auraient dû dire au moins, lorsqu'ils citent Pline à l'appui de plusieurs de ces faits, qu'il les regarde comme indignes de toute croyance. « Homines in lupos verti, rursumque restituï sibi faslum esse confidenter existimare debemus, aut credere omnia quœ fabulosa tot sœculis comperimùs ». Nat. Hist. L. VIII, cap. 22.