Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/370

Cette page n’a pas encore été corrigée
314
DE LA SAGESSE,


l’on parle de toutes choses par resolution. Or l’affirmation et opiniastreté sont signes ordinaires de bestise et ignorance, accompagnée de folie et arrogance.

La troisiesme, qui suit ces deux, et qui est le faiste de presomption, est de persuader, faire valoir et recevoir à autruy ce que l’on croit, et les induire voire imperieusement avec obligation de croire, et inhibition d’en doubter. Quelle tyrannie ! Quiconque croit quelque chose, estime que c’est œuvre de charité de le persuader à un autre ; et pour ce faire ne craint point d’adjouster de son invention autant qu’il voit estre necessaire à son compte, pour supplir [1] au defaut et à la resistance qu’il pense estre en la conception d’autruy. Il n’est rien à quoy communement les hommes soyent plus tendus qu’à donner voye à leurs opinions : nemo sibi tantum errat, sed aliis erroris causa et author est [2] . Où le moyen ordinaire fault, l’on y adjouste le commandement, la force, le fer, le feu [3]. Ce

  1. D'une manière tranchante.
  2. « L'homme n'erre pas seulement pour lui-seul ; mais il est encore la cause et l'auteur de l'erreur des autres ». Sen. de Vita beata. cap. I.
  3. C'étaient-là les moyens employés par la sainte inquisition, moyens que réprouve l'évangile. — Nous observerons ici que tout ce chapitre de Charron dut paraître hardi, dans le tems où il écrivait ; et l'on ne doit pas être surpris des per-