Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/369

Cette page n’a pas encore été corrigée
313
LIVRE I, CHAPITRE XLII.


sa suffisance le vray et le fauls des choses ; ce qui est requis pour ainsi et avec telle fierté et asseurance resouldre et definir d’icelles. Car voicy leur jargon : cela est fauls, impossible, absurde. Et combien y a-t-il de choses, lesquelles pour un temps nous avons rejettées avec risée comme impossibles, que nous avons esté contraincts d’advouer après, et encore passer outre à d’autres plus estranges ! Et au rebours combien d’autres nous ont esté comme articles de foy, et puis vaines mensonges !

La seconde, qui suit et vient ordinairement de ceste premiere, est d’affirmer ou reprouver certainement et opiniastrement ce que l’on a legerement creu ou mescreu. Ce second degré adjouste au premier opiniastreté, et ainsi accroist la presomption. Ceste facilité de croire avec le temps s’endurcist et degenere en opiniastreté invincible et incapable d’amendement ; voire l’on va jusques là, que souvent l’on soustient plus les choses que l’on sçait et que l’on entend moins : majorem fidem homines adhibent iis quæ non intelligent... cupidate humani ingenii lubentiùs obscura credentur [1] :

  1. « Les hommes ont une plus grande foi dans les choses qu'ils ne comprennent pas... L'envie de savoir, propre à l'esprit humain, lui fait croire plus volontiers les choses obscures ». Tacit. Hist. L. I, C. 22.
    Lucrèce a dit la même chose en beaux vers :
    Omnia enim stolidi magis admirantur, amantque
    Inversis quœ sub latitantia cernunt, etc.
    De Rer. Natur. L. I, v. 641.