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LIVRE I, CHAPITRE XLII.


ainsi mené, nous nous en fions et remettons à autruy : unusquisque mavult credere quàm judicare ; versat nos et præcipitat traditus per manus error, ipsa consuetudo assentiendi periculosa et lubrica [1]. Or ceste telle facilité populaire, bien que ce soit en verité foiblesse, toutesfois n’est pas sans quelque presomption. Car c’est trop entreprendre que croire adherer et tenir pour vray et certain si legerement, sans sçavoir que c’est, ou bien s’enquerir des causes, raisons, consequences, et non de la verité. On dict, d’où vient cela ? comment se faict cela ? presupposant que cela est bien vray ; et il n’en est rien : on traicte, agite les fondemens et effects de mille choses qui ne furent jamais, dont tout le pro et contra [2] est faux. Combien de bourdes, fauls et supposez miracles, visions et revelations reçeuës au monde, qui ne furent jamais ! (les vrays miracles autorisés par l'eglise, sont à part, l'on ne touche point à cela). Et pourquoy croira-l’on une merveille, une chose non humaine ny naturelle, quand l’on peust destourner et elider la verification par voye naturelle et humaine ?

    ils y restent attachés comme à un roc ». Cicer.Acad. Quœst. L. II, C. 3. — Ce qui, dans le texte, précède la citation, est triré des Questions académiques, même chapitre, no. 8.

  1. « Chacun aime mieux croire que juger. L'erreur passant de mains en mains, nous entraîine avec elle, et nous fait tomber dans le précipice ; l'habitude même de donner son assentiment n'est pas sans danger ». Sen. de Vita beata, cap. I.
  2. « Le pour et le contre ».