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LIVRE I, CHAPITRE XLII.

sont gens qui ont la memoire pleine du sçavoir d’autruy, et n’ont rien de propre. Leur jugement, volonté, conscience, n’en valent rien mieux ; mal habiles, peu sages et prudens, tellement qu’il semble que la science ne leur serve que de les rendre plus sots, mais encore plus arrogans, caquetteurs [1] : ravalent leur esprit et abatardissent leur entendement, mais enflent leur memoire. Icy sied bien la misere que nous venons de mettre la derniere en celle de l’entendement.

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CHAPITRE XLII [2].

V. Presomption.


SOMMAIRE. — La présomption est un vice naturel à l'homme. — L'homme montre sa presomption : 1°. En se faisant des idées fausses et peu convenables de la divinité ; 2°. en croyant que tout ce qui existe lui est subordonné, est fait pour son usage. De là sa cruauté pour les bêtes ; 3°. dans sa facilité à croire, et, en d'autres occasions, dans son refus obstiné de croire ; dans sa manie d'affirmer ou

  1. Montaigne n'en parle pas mieux dans le chap. XXIV du Liv. I des Essais.
  2. C'est le septième chapitre de la première édition. Montaigne fait aussi un chapitre sur le Présomption, où Charron a puisé plusieurs de ses idées. Voy. les Essais, les Essais, L. II. ch. XVII.