Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée
300
DE LA SAGESSE,


dehors, pensent estre quittes et irreprehensibles en la poursuite de leurs passions et cupidités, moyennant qu’ils ne fassent rien contre la teneur des loix, et n’obmettent rien des formalités. Voilà un richard qui a ruiné et mis au desespoir des pauvres familles, mais ça esté en demandant ce qu’il a pensé estre sien, et ce par voye de justice : qui le peust convaincre d’avoir mal faict ? O combien de bienfaicts sont obmis, et de meschancetés se commettent soubs le couvert des formes, lesquelles l’on ne sent pas ; dont est bien verifié, le souverain droict l’extreme injustice [1] ; et a esté bien dict, Dieu nous garde des formalistes !

Les pedans [2] clabaudeurs après avoir questé et pilloté [3] avec grand estude et science par les livres, en font monstre, et avec ostentation questueusement [4] et mercenairement la desgorgent et mettent au vent. Y a-t-il gens au monde plus ineptes aux affaires, plus impertinens à toutes choses, et ensemble plus presomptueux et opiniastres [5] ? En toute langue et nation, pedant, clerc, magister, sont mots de reproche : faire sottement quelque chose c’est le faire en clerc. Ce

  1. C'est la traduction de cet axiome de droit déjà cité deux fois plus haut : summus injuria.
  2. Voyez le chap. XIII du Liv. III.
  3. Pillé cà et là, butiné comme le frêlon.
  4. Lucrativement, du latin quœstuosus.
  5. Voyez, à ce sujet, Erasme dans l'Éloge du Savant le L. XVII de ses œuvres, ép. XII.