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LIVRE I, CHAPITRE XLI.


de bien par occasion et par accident. Voilà pourquoy ils le sont inegalement, diversement, non perpetuellement, constamment, uniformement.

5. Aymer moins celuy que nous avons offensé, à cause que nous l’avons offensé : chose estrange ! Ce n’est pas tousjours de crainte qu’il en vueille prendre sa revanche, car peust-estre l’offensé ne nous en veut pas moins de bien, mais c’est de ce que sa presence nous accuse et nous ramentoit [1] nostre faute et indiscretion. Que si l’offensant n’ayme pas moins, c’est preuve qu’il ne l’a pas voulu offenser : car ordinairement qui a eu la volonté d’offenser, ayme moins après l’offensé : « chi offende, mai non perdona [2]».

6. Autant en peust-on dire de celuy à qui nous sommes fort obligés, sa presence nous est à charge, nous ramentoit nostre obligation, nous reproche nostre ingratitude ou impuissance, l'on voudroit qu'il ne fust point affin d'estre deschargé : meschant naturel. Quidam quo plus debent, magis oderunt : leve aes alienum debitorem facit, grave inimicum [3] .

7. Prendre plaisir au mal, à la peine et au danger d’autruy, desplaisir en son bien, advancement,

  1. Nous rappelle.
  2. « Celui qui offense ne pardonne jamais ».
  3. « Il y en a qui haïssent en proportion de ce qu'ils doivent. La dette est-elle légère, elle les éloigne de leur créancier. Est-elle considérable ? ils deviennent ses ennemis ».