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LIVRE I, CHAPITRE XLI.


qui ne sont aucunement en nostre main, et qui despendent du ciel.

2. Condamner et rejetter toutes choses, mœurs, opinions, loix, coustumes, observances, comme barbares et mauvaises, sans sçavoir que c’est et les cognoistre, mais seulement parce qu’elles nous sont inusitées et eslongnées [1] de nostre commun et ordinaire.

3. Estimer et recommander les choses à cause de leur nouvelleté, ou rareté, ou estrangeté, ou difficulté, quatre engeoleurs, qui ont grand credit aux esprits populaires : et souvent telles choses sont vaines, et non à estimer, si la bonté et utilité n’y sont joinctes : dont justement fust mesprisé du prince celuy qui se glorifioit de sçavoir de loin jetter et passer les grains de mil par les trous d’esguille.

4. Generallement toutes les opinions superstitieuses, dont sont affeublez les enfans, femmes, et esprits foibles.

5. Estimer les personnes par les biens, richesses, dignités, honneurs, et mespriser ceux qui n’en ont poinct, comme si l’on jugeoit d’un cheval par la bride et la selle [2].

6. Estimer les choses non selon leur vraye, naturelle et essentielle valeur, qui est souvent interne et

  1. Éloignées.
  2. Voyer Montaigne, L.I, ch. 42. Charron ne fait que l'abréger.