Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée
288
DE LA SAGESSE,


sibles et receuës avec reverence, sont fausses et erronées, et qui pis est la pluspart incommodes à la societé humaine. Et encore que quelques sages, qui sont en fort petit nombre, sentent mieux que le commun, et jugent de ces opinions comme il faut, si est-ce que quelques fois ils s’y laissent emporter, sinon en toutes et tousiours, mais à quelques-unes et quelquesfois : il faut estre bien ferme et constant pour ne se laisser emporter au courant, bien sain et preparé pour se garder net d’une contagion si universelle : les opinions generalles receuës avec applaudissement de tous et sans contradiction sont comme un torrent qui emporte tout :

Proh superi ! quantum mortalia cæcæ
Noctis habent !.....
O miseras hominum mentes et pectora cæca !
Qualibus in tenebris vitæ, quantisque periclis
Degitur hoc ævi quodcumque est !.....[1]

Or ce seroit chose bien longue de specifier et nommer les foles opinions dont tout le monde est abreuvé. Mais en voyci quelques-unes, qui seront traictées plus au long en leurs lieux.

1. Juger des advis et conseils par les evenemens,


  1. « O dieux ! dans quelle nuit obscure sont plongés les cœurs mortels !....... O esprits misérables des hommes ! ô cœurs aveugles ! Dans quelles ténèbres vivons-nous, et à quels grands périls tout ce qui vie n'est-il pas exposé ? » Ovid. Metam. liv. VI, V. 472. — Lucret. liv. II, V.14.