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LIVRE I, CHAPITRE XLI.


penible estude, qui addit scientiam addit et laborem [1]. La disette est pouvreté par grand soin, penible veille, travail, sueur, in sudore vultus tui [2]. Dont pour l'esprit et pour le corps, le labeur et travail est propre à l'homme, comme à l'oyseau le voler.

Toutes ces miseres susdictes sont corporelles ou bien mixtes et communes à l’esprit et au corps ; et ne montent gueres plus haut que l’imagination et fantasie. Considerons les plus fines et spirituelles, qui sont bien plus miseres, comme estans erronées et malignes, plus actives et plus siennes, mais beaucoup moins senties et advouées, ce qui rend l’homme encore plus et doublement miserable, ne sentant que ses maux mediocres, et non les plus grands ; voyre [3] l’on ne les luy ose dire ny toucher, tant il est confict et deploré en sa misere : si faut-il en passant et tout doucement en dire quelque chose, au moins les guigner et monstrer au doigt de loin, affin de luy donner occasion d’y regarder et penser, puis que de soy-mesme il ne s’en advise pas. Premierement pour le regard de l’entendement, est-ce pas une estrange et piteuse misere de l’humaine nature, qu’elle soit toute conficte en erreur et aveuglement ? La pluspart des opinions communes et vulgaires, voire les plus plau-

  1. « Augmenter sa science, c'est augmenter son travail ». Ecclesiaste ch. II. v.18 et 19.
  2. « A la sueur de ton visage ».
  3. Même.