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LIVRE I, CHAPITRE XLI.

[1] Ne conterons-nous pas pour misere humaine, puisque c'est un mal commun et general aux hommes, et qui n'est point aux bestes, que les hommes ne peuvent bien s'accommoder et faire leur profit sans le dommage et reculement les uns des autres, maladie, folie, desbauche, perte, mort. Nous nous entre-empeschons, heurtons, et pressons l'un l'autre, tellement que les meilleurs, mesmes sans y penser ny le vouloir, d'un désir quasi insensible, et innocemment, souhaittent la mort, le mal, et la peine d'autruy.

Le voilà donc bien miserable et naturellement et volontairement, en verité et par imagination, par obligation, et de gayeté de cœur. Il ne l’est que trop, et il craint de ne l’estre pas assez, et est tousjours en queste et en peine de s’en rendre encore davantage. Voyons maintenant comment, quand il vient à le sentir et s’ennuyer de quelque certaine misere (car il ne se lasse jamais de l’estre en plusieurs façons sans le sentir), il faict pour en sortir, et quels sont ses remedes contre le mal. Certes tels qu’ils importunent plus que le mal mesme qu’il veut guarir : de sorte que voulant sortir d’une misere, il ne la faict que changer en une autre, et peust-estre pire. Mais quoi ! encores le

  1. A commencer d'ici, on trouve dans les premières édition, une courte indication des remèdes que demandent tous ces maux. Mais cet alinéa, qui n'était pas à sa place, a été transporté ailleurs, dans la seconde édition.