philosophique, qui est la
trempe par laquelle l’ame est rendue invincible,
et est fortifiée à l’espreuve contre tous assauts et
accidens, de laquelle sera parlé : mais de cette
paoureuse
[1], et quelques fois fausse et vaine
apprehension des maux qui peuvent advenir, laquelle
afflige et noircit de fumée toute la beauté
et serenité de l’ame, trouble tout son repos
et sa joye ; il vaudroit mieux du tout s’y laisser
surprendre. Il est plus facile et plus naturel
n’y penser point du tout. Mais laissons encore
ceste anticipation de mal. Tout simplement
le soin et pensement penible et beant après les
choses advenir, par esperance, desir, crainte,
est une très grande misere : car outre que nous
n’avons aucune puissance sur l’advenir, moins
que sur le passé (et ainsi c’est vanité, comme
a esté dict
[2]), il nous en demeure encore du mal
et dommage, calamitosus est animus futuri anxius
[3],
qui nous desrobe le sentiment,
et nous oste la jouyssance paisible des biens presens,
et empesche de nous y rasseoir et contenter.
Ce n’est pas encore assez ; car affin qu’il ne luy manque jamais matiere de misere, voire qu’il y en aye tousiours à foison, il va tousjours furetant et cher-