Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/336

Cette page n’a pas encore été corrigée
280
DE LA SAGESSE,


douleur et desplaisir est bien plus frequent, et vient bien souvent ; le plaisir est rare : le mal vient facilement de soy-mesme sans estre recherché ; le plaisir ne vient point volontiers, il se fait rechercher, et souvent acheter plus cher qu’il ne vaut : le plaisir n’est jamais pur, ains tousiours destrempé et meslé avec quelque aigreur, et y a tousiours quelque chose à redire ; mais la douleur et le desplaisir souvent tout entier et tout pur. Après tout cela le pire de nostre marché, et qui monstre evidemment la misere de nostre condition, est que l’extreme volupté et plaisir ne nous touche point tant qu’une legere douleur : segnius homines bona quàm mala sentiunt .[1] Nous ne sentons point l’entiere santé, comme la moindre des maladies :

..... Pungis
In cute vix summa violatum plagula corpus,
Quando valere nihil quaquam movet.....[2]

    évident qu'aux trois malheurs ou maux de l'espèce huamaine, qu'il vient de signaler, Charron se propose d'en ajouter trois autres. Il est vrai qu'il dit plus haut : « il appert par ces trois mots ; mais cela ne me paraît pas justifier la correction faite au texte. »

  1. « Les hommes sentent plus faiblement les biens que les maux ». Tit.-Liv. L. XXX, ch. 21.
  2. « Une petite plaie qui effleure à peine la peau, nous avertit de sa présence par la douleur de la partie du corps où elle se trouve, tandis que rien ne nous fait sentir la santé dont nous jouissons ». Steph. Boetiani Poemata, pag. 115.