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LIVRE I, CHAPITRE XLI.


publicœ voluptatis hostiœ fiant [1] . Il y a des nations qui maudissent leur naissance, benissent leur mort. Quel monstrueux animal qui se faict horreur à soy-mesme ! Or rien de tout cecy ne se trouve aux bestes, ny au monde.

Le second chef et tesmoignage de sa misere est au retrancher des plaisirs si petits et chetifs qui lui appartiennent (car des purs, grands et entiers, il n’en est capable, comme a esté dict en sa foiblesse), et au rabattre du nombre et de la douceur d’iceux. Quel monstre qui est ennemy de soy-mesme, se desrobe et se trahist soy-mesme, à qui ses plaisirs pesent, qui se tient au malheur ! Il y en a qui evitent la santé, l’allegresse, la joye, comme chose mauvaise.

O miseri quorum gaudia crime habent[2]!

Nous ne sommes ingenieux qu’à nous mal mener, c’est le vray gibbier de la force de nostre esprit.

Il y a encore pis : l’esprit humain n’est pas seulement rabbat-joye, trouble-feste, ennemy de ses petits, naturels et justes plaisirs, comme je viens

  1. « L'homme, cet objet sacré, on le tue par jeu, par divertissement : — la mort d'un homme est un spectacle. Des innocens viennent dans les jeux de l'amphithéâtre, pour servir de victimes aux plaisirs publics ». Sen. epist. 95. — Tertul. de Spectac.
  2. « O malheureux dont les plaisirs sont des crimes ». Cornel. Gallus, Eleg. I, v. 180.