hors de luy il n’y en a point au monde. C’est
le propre de l’homme d’estre miserable ; le seul
homme, et tout homme est tousjours miserable,
comme se verra.
homo natus de muliere, brevi vivens tempore, repletus
multis miseriis
[1].
Qui voudroit representer toutes les parties de la misere humaine, faudroit discourir toute sa vie, son estre, son entrée, sa durée, sa fin. Je n’entreprends donc
pas cette besongne, ce seroit œuvre sans fin :
et puis c’est un subject commun traitté par
tous : mais je veux icy cotter certains poincts
qui ne sont pas communs, ne sont pas prins
[2] pour miseres, ou bien que l’on ne sent et l’on
ne considere pas assez, combien qu’ils soyent
les plus pressans, si l’on sçavoit bien juger.
Le premier chef et preuve de la misere humaine est, que sa production, son entrée est honteuse, vile, vilaine, mesprisée ; sa sortie, sa mort et ruyne, glorieuse et honorable. Dont il semble estre un monstre et contre nature, puis qu’il y a honte à le faire, honneur à le desfaire : nostri nosmet pœnitet et pudet [3]. Sur cecy voicy cinq ou six petits mots. L’action de planter et faire l’homme est honteuse, et toutes ses parties, les approches, les apprests, les outils, et tout ce qui y