Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/326

Cette page n’a pas encore été corrigée
270
DE LA SAGESSE,


se picquent du courage et de la braverie ; les autres au rebours ne s’esmeuvent par toutes les submissions et plainctes, et se laissent gaigner à la constance et resolution. Il n’y a point de doubte que le premier ne vienne de foiblesse : aussi se trouve-il volontiers ès ames molles et vulgaires. Mais le second n’est sans difficulté, et se trouve en toute sorte de gens. Il semble que se rendre à la vertu et à une vigueur masle et genereuse, est d’ame forte aussi et genereuse : et il est vray, s’il se faict par estimation et reverence de la vertu, comme fit Scanderberg [1] recevant en grace un soldat pour l’avoir veu prendre party de se defendre contre luy ; Pompeius pardonnant à la ville des Mammertins en consideration de la vertu du citoyen Zenon ; l’empereur Conrad pardonnant au Duc De Bavieres et autres hommes assiegés, pour la magnanimité des femmes, qui les luy desroboient et emportoient sur leurs testes. Mais si c’est par estonnement et effray de son esclat, comme le peuple Thebain qui perdit le cœur oyant Epaminondas accusé raconter ses beaux faicts, et luy reprocher avec fierté son ingratitude, c’est foiblesse et lascheté. Le faict d’Alexandre mesprisant la brave resolution de Betis prins [2] avec la ville de Gaza où il commandoit, ne

  1. Ces exemples sont empruntés des Essais de Montaigne, liv I, C. I.
  2. Pris.