se picquent du courage et de la braverie ; les autres au rebours ne s’esmeuvent par toutes les submissions et plainctes, et se laissent gaigner à la constance et resolution.
Il n’y a point de doubte que le premier
ne vienne de foiblesse : aussi se trouve-il
volontiers ès ames molles et vulgaires. Mais le
second n’est sans difficulté, et se trouve en
toute sorte de gens. Il semble que se rendre à
la vertu et à une vigueur masle et genereuse,
est d’ame forte aussi et genereuse : et il est
vray, s’il se faict par estimation et reverence
de la vertu, comme fit Scanderberg
[1] recevant en grace un soldat pour l’avoir veu prendre party de se defendre contre luy ; Pompeius
pardonnant à la ville des Mammertins en consideration
de la vertu du citoyen Zenon ; l’empereur
Conrad pardonnant au Duc De Bavieres
et autres hommes assiegés, pour la magnanimité
des femmes, qui les luy desroboient et
emportoient sur leurs testes. Mais si c’est par
estonnement et effray de son esclat, comme
le peuple Thebain qui perdit le cœur oyant
Epaminondas accusé raconter ses beaux faicts,
et luy reprocher avec fierté son ingratitude,
c’est foiblesse et lascheté. Le faict d’Alexandre
mesprisant la brave resolution de Betis prins
[2]
avec la ville de Gaza où il commandoit, ne
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DE LA SAGESSE,