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LIVRE I, CHAPITRE XXXIX.


ainsi : perspicuitas argumentatione elevator [1]. Socrates en justice mesme ne le vousist [2] faire ny par soy ny par autruy, refusant d’employer le beau plaider du grand Lysias, et ayma mieux mourir. L’autre est au cas contraire, c’est quand l’accusé et prevenu [3] courageux ne se soucie de s’excuser ou justifier, parce qu’il mesprise l’accusation et l’accusant comme indignes de response et justification, et ne se veust faire ce tort d’entrer en telle lice ; practiqué par les hommes genereux, par Scipion sur tous plusieurs fois d’une fermeté merveilleuse : lors les autres s’en offensent, ou estimans cela trop grande confidence et orgueil, et se picquans de ce qu’il sent trop son innocence, et ne se desmet pas, ou bien imputans ce silence et mespris à faute de cœur, deffiance de droict, impuissance de se justifier. O foible humanité ! Que l’accusé ou soupçonné se defende, ou ne se defende, c’est foiblesse et lascheté. Nous luy desirons du courage à ne s’excuser ; et quand il l’a, nous sommes foibles à nous en offencer.

Un autre argument de foiblesse est de s’assubjectir et acoquiner à une certaine façon de vivre particuliere ; c’est mollesse poltronne, et delicatesse indigne d’un honneste homme, qui nous rend incommodes

  1. « L'argumentation affaiblit l'évidence ».
  2. Voulut.
  3. Et celui qui est prevenu, (en prévention d'un crime).