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DE LA SAGESSE,


en soy, mais bons en ce qu'ils servent et sont employés conre le mal, comme les medecins : ils destruisent leur autheur, sont causés par le mal, et chassent le mal : ce sont biens comme les gibbets et les roues en une republique ; comme l'esternuement et autres descharges venans de mauvaises causes et remedes à icelles. Bref, ce sont bien tels qu'il seroit beaucoup meilleur qu'il n'y en eust jamais eu, si l'homme eust été sage, et se fust perseveré en l'estat quael Dieu l'avoit mis, et n'y en aura plus sitost qu'il sera delivré de cette captivité pour arriver à sa perfection.

Tout ce [1] dessus monstre combien est grande la foiblesse humaine au bien, à la vertu, et à la verité : mais qui est plus estrange, elle est aussi grande au mal. Car voulant estre meschant, encore ne le peust-il estre du tout, et n’y laisser rien à faire : il y a tousjours quelque remords et craintive consideration, qui ramollit et relasche la volonté, et reserve encore quelque chose à faire : ce qui a causé à plusieurs leur ruine, bien qu’ils eussent projetté là-dessus leur salut. C’est foiblesse et sottise, dont est venu le proverbe à leur despens : qu’il ne faut jamais folier [2] à demy . Mot dit par jugement, mais qui peust avoir et bon et mauvais

  1. Tout ce qui est dit ci-dessus.
  2. Faire le fol.