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LIVRE I, CHAPITRE XXXIX.


tations publiques d’avoir merité la mort et d’estre sacrifié comme ces bestes), sans laquelle n’y eust jamais eu d’offrandes sanglantes, sacrifices propitiatoires, expiatoires. Secondement à cause de la bassesse du dessein et de l’intention qui estoient de penser appaiser, flatter, et gratifier Dieu par le massacre et le sang des bestes et des hommes, sanguine non colendus Deus, quæ enim ex trucidatione immerentium voluptas est[1]  ! Certes Dieu aux premiers siècles, encores la foible enfance du monde et la simple nature, les a bien accepté des gens de bien à cause d’eux et de leurs devotions. Respexit Dominus ad Abel et ad munera ejus [2], prenant par sa bonté en bonne part ce qui se faict en intention de l’honorer et servir : et encores depuis estant le monde encores apprentif et grossier sub pedagogo [3], tout confit en cette opinion si universelle, que quasi naturelle. Je ne touche point icy le mystère particulier de la religion judaïque qui les employoit pour figures : c’est un des beaux traicts de la religion, et assez fréquent, de convertir ce qui est humain ou naturel, et corporel en usage sainct, sacré et en tirer un fruict spirituel. Mais ce n’estoit [4]

  1. La traduction de ce passage se trouve, trois pages plus haut, dans une note de la dernière variante.
  2. « Dieu regarda Abel et ses présens ». Gen IV, v.4.
  3. « Sous un pédogogue ».
  4. Mais ce n'était pas que Dieu y prît plaisir.