Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/316

Cette page n’a pas encore été corrigée
260
DE LA SAGESSE,


poudre, cendre, terre, chair, sang, foin. Puis elle la luy insinuë et faict sentir d’une très belle et noble façon, introduisant Dieu humilié, affoibli, abbaissé pour l’amour de luy, parlant, promettant, jurant, courrouçant, menaçant ; bref traittant et agissant avec l’homme d’une maniéré basse, foible, humaine, ainsi qu’un pere qui begaye et faict le petit avec ses petits : estant telle, si grande, et invincible la foiblesse humaine, que pour lui donner quelque accès et commerce avec la divinité, et l’approcher de Dieu, il a fallu que Dieu se soit abbaissé au plus bas : Deus quia in altitudine sua à nobis parvulis apprehendi non poterat, ideo se strant hominibus [1]. Puis par effect ordinaire, car tous les principaux et plus saincts exercices, les plus solennelles actions de la religion, ne sont-ce pas les vrays symptômes et argumens de la foiblesse et maladie humaine ? Les sacrifices qui ont esté anciennement en usage par tout le monde, et encores sont en quelques endroicts non-seulement, des bestes, mais aussi des hommes vivans, voire des innocens, n’estoit-ce pas des honteuses marques de l’infirmité et misere humaine ? Premierement pour ce que c’estoyent des enseignes et tesmoignages de sa condemnation et malédiction (car c’estoyent des protes-

  1. « Parce que Dieu, de la hauteur où il est élevé, ne pouvait être aperçu par des êtres aussi chétifs que nous sommes, il s'est abaissé jusqu'à nous ».