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LIVRE I, CHAPITRE XXXIX.


son intention de faire bien sentir à l’homme son mal, sa foiblesse, son rien, et par-là le faire recourir à Dieu, son bien, sa force, son tout. Premièrement elle la lui presche, inculque, reproche, l’appellant

    guine colendas Deus ; quae enim ex trucidatione immerentium voluptas est ? Quelle folie de penser faire service à Dieu en luy donnant et présentant, et non plustost en luy demandant et implorant ! Car c’est grandeur de donner et non de prendre. Certes les sacrifices estoient ordonnés en la loy de Moyse, non pour ce que Dieu y prinst plaisir, ou que ce fustchose par aucune raison bonne de soy, si voluisses sacrificium (c), dedissem utique, holocaustis non delectaberis ; sacrificium et oblationem noluisti, holocaustum pro peccato non postulasti  ; mais pour s’accommoder à la foiblesse humaine : car il est permis de folier avec les petits enfans. La penitence est la chose la plus recommandée et des principales de la religion ; mais qui présupposé péché, et est remede contre iceluy, sans lequel ce seroit de soy chose mauvaise : car le repentir, la tristesse et affliction d’esprit est mal. Le jurement de mesme causé par l’infidélité et meffiance humaine, et remede contre icelle, ce sont tous biens, non de soy, mais comme remedes faux maux. Ce sont biens pour ce qu’ils sont necessaires, et non aû rebours. Ce sont biens , comme l’esternuement et la medecine, bons signes venant de mauvaise cause, guarison de maux. Ce sont biens, mais tels qu’il seroit beaucoup meilleur qu’il n’y en eust jamais, et qu’il n’en fust point besoing. Edit. de 1601, liv, 1, ch. 4.

    (c) « Si tu eusses voulu un sacrifice, je te l’aurais offert certainement ; mais tu ne te délectes pas d’holocaustes. Tu n’as pas voulu de sacrifice et d’oblation ; tu n’as pas demandé d’holocauste pour le péché », Psal. I, v. 18.