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DE LA SAGESSE,


perience. Or tous deux sont si foibles et incertains (bien [1] que l’experience plus), que n’en pouvons rien tirer de certain. La raison a tant de formes, est tant ployable, ondoyante, comme sera dict amplement en son lieu. L’experience encores plus ; les evenemens sont tousjours dissemblables : il n’y a rien si universel en la nature, que la diversité : rien si rare et si difficile, voire quasi impossible, que la semblance. Et si l’on ne peust remarquer la dissemblance, c’est ignorance et foiblesse ; ce qui s’entend de parfaicte, pure et entiere semblance et dissemblance : car, à vray dire, tous les deux sont par-tout : il n’y a chose aucune qui soit entierement semblable et dissemblable à une autre. C’est un ingenieux et merveilleux meslange et destrempement de nature : mais après tout, qui descouvre mieux la foiblesse humaine que la religion [2] ? Aussi est-ce

  1. Quoique l'expérience le soit plus.
  2. Variante. En la religion, les plus grandes et solennelles actions sont marques honteuses, et remedes aux maladies humaines : les sacrifices qui on esté anciennement en si grande reverence par tout le monde universel, voire (a) en la religion judaique, et encores sont en usage en plusieurs endroicts de monde, non-seulement des bestes, mais encore des hommes vivans, voire des innocens : quelle plus grande rage et manie peust entrer en l'imagination, que de penser appaiser et gratifier Dieu par le massacre et sang des bestes ! Non (b) san-

    a) Même.

    (b) « Dieu ne doit pas être honoré par le sang ; car quel plaisir peut-on lui faire, en lui immolant des innocens . »