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LIVRE I, CHAPITRE XXXIX.


plus à la verité, soit-elle eternelle et divine, ou temporelle et humaine : celle-là l'estonne par son esclair, l'atterre par son esclat, comme la vive clarté du soleil, l'œil foible du hibou : et qu'il s'opiniastre, il succombera accablé, qui scrutator est majestatis, opprimetur a gloria [1] ; tellement que pour luy en donner quelque air et quelque goust, il la luy faut desguiser, temperer, et couvrir de quelque ombrage. Celle-cy, l'humaine le blesse, et qui la luy presente est souvent tenu pour ennemy, veritas odium parit [2]. C'est chose estrange, l'homme desire naturellment sçavoir la verité, et pour y parvenir, remue toutes choses, neantmoins il n'y peust parvenir : si elle se presente, il ne la peust comprendre ;s'il ne la comprend, il s'en offense : ce n'est pas de sa faute, car elle est très belle, aimable, coignoissable, mais c'est la foiblesse humaine qui ne peust recevoir une telle splendeur. L'homme est fort à desirer, et foible à prendre et à tenir. Les deux principaux moyens qu’il employe pour parvenir à la cognoissance de la verité, sont la raison et l'ex-

    pour ennemy, veritas odium parit (a). C’est acte d’hostilité que de luy monstrer ce qu’il ayme et cherche tant. L’homme est fort à desirer, et foible à recevoir. Ibid.

    (a) « La vérité engendre la haine ».

  1. « Celui qui ose scruter la majesté de Dieu, sera accablé de sa gloire ».
  2. Ce passage est traduit dans la note de la dernière variante.