Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée
256
DE LA SAGESSE,


advient que le juge qui donne la gehenne affin de ne faire mourir l’innocent, il le faict mourir et innocent et gehenné. Mille et mille ont chargé leurs testes de fausses accusations : mais au bout du compte est-ce pas grande injustice et cruauté de tourmenter et rompre un homme de la faute duquel on doubte encores ? Pour ne le tuer sans occasion, l’on luy faict pire que le tuer : s’il est innocent et supporte la peyne, quelle raison luy est-il faicte du tourment injuste ? Il sera absous, grand mercy. Mais quoy, c’est le moins mal que la foiblesse humaine aye peu inventer [1]

Si l'homme est foible à la vertu, il l'est encores [2]

  1. Variante. Toutesfois n’est pas en practique par-tout. Il semble que commettre au combat les parties, quand l’on ne peust descouvrir la vérité (moyen condamné par la chrestienté, et jadis fort en usage), soit moins injuste et cruel. Édition de 1601, liv. I, ch. 4.
  2. Variante. Si l'homme est foible à la vertu, comme il vient d'estre monstré, il est encores plus à la vérité. C'est chose estrange, l'homme desire naturellement sçavoir la vérité ; et pour y parvenir, remue toutes choses : neantmoins il ne la peust souffrir, quand elle se présente ; son esclair l'estonne ; son, éclast l'atterre : ce n'est point de sa faute, car elle très belle, très aimable et très convenable à l'homme ; et peust-on d'elle dire encore mieux, que de la vertu et sagesse, que si elle se pouvoit bien voir, elle ravivoit et embraseroit tout le monde de son amour. Mais c'est la faiblesse de l'homme qui peust recevoir et porter une telle splendeur ; voire elle l'offense. Et celuy qui la luy presente est souvent tenu