Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée
250
DE LA SAGESSE,


venue la question interminable du souverain bien. Les choses meilleures souvent, en nos mains, par nostre foiblesse, vice et insuffisance, s’empirent, se corrompent, deviennent à rien, nous sont inutiles, voire quelques fois contraires et dommageables.

Mais la foiblesse humaine se monstre richement au bien et au mal, en la vertu et au vice ; c’est que l’homme ne peust estre, quand bien il voudroit, du tout bon ny du tout meschant. Il est impuissant à tout. Sur ce propos considerons trois poincts ; le premier est que l’on ne peust faire tout bien, ny exercer toute vertu ; d’autant que plusieurs vertus sont incompatibles, et ne peuvent demeurer ensemble, comme la continence filiale et viduale, qui sont entierement differentes, le celibat et le mariage ; estans les deux seconds estats de viduité et de mariage bien plus penibles et affaireux, et ayant plus de difficulté et de vertu, que les deux premiers de filiage et de celibat : qui ont aussi plus de pureté, de grace et d’aysance : virgo fœlicior, vidua laboriosior, in illa gratia, in ista virtus coronatur [1]. La constance qui est en la pauvreté, indigence, adversité, et celle qui est en l’abondance et prosperité ; la patience de mendicité et la libéralité.

  1. « La vierge est plus heureuse, la veuve a plus de peines et de tourmens ; dans celle-là c'est la grâce qui est couronnée, dans l'autre c'est la vertu ». Tertul.