pocrisie, de fausseté et d’imposture, au
veu et sceu de tous, de qui les donne, qui les
reçoit, et qui les oyt ? Tellement que c’est un
marché et complot faict ensemble de se mocquer,
mentir, et piper les uns les autres. Et
faut que celuy-là, qui sçait que l’on luy ment
impudemment, en dise grand merci ; et cettuy-cy,
qui sçait que l’autre ne l’en croit pas,
tienne bonne mine effrontée, s’attendant et
se guettant l’un l’autre, qui commencera, qui
finira, bien que tous deux voudroient estre
retirez. Combien souffre-t-on d’incommodité ? l'on se feinct, l'on se contrefaict et desguise ;
l’on endure le serein, le chaud, le froid ; l’on
trouble son repos, sa vie, pour ces vanités
courtisanes
[1] : et laisse-on affaires de poids pour
du vent ? Nous sommes vains aux despens de
nostre ayse, voire de nostre santé et de nostre
vie. L’accident et très-leger
[2] foule aux pieds la substance, et le vent emporte le corps, tant l’on est esclave de la vanité : et qui feroit autrement seroit tenu pour un sot et mal entendant
son monde : c’est habilité de bien jouer
cette farce, et sottise de n’estre pas vain. Estans
venus aux propos et devis familiers, combien
de vains et inutiles, faux, fabuleux, controuvés
(sans dire les meschans et pernicieux qui
ne sont de ce compte),
Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/299
Cette page n’a pas encore été corrigée
243
LIVRE I, CHAPITRE XXXVIII.