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LIVRE I, CHAPITRE XXXVIII.


pocrisie, de fausseté et d’imposture, au veu et sceu de tous, de qui les donne, qui les reçoit, et qui les oyt ? Tellement que c’est un marché et complot faict ensemble de se mocquer, mentir, et piper les uns les autres. Et faut que celuy-là, qui sçait que l’on luy ment impudemment, en dise grand merci ; et cettuy-cy, qui sçait que l’autre ne l’en croit pas, tienne bonne mine effrontée, s’attendant et se guettant l’un l’autre, qui commencera, qui finira, bien que tous deux voudroient estre retirez. Combien souffre-t-on d’incommodité ? l'on se feinct, l'on se contrefaict et desguise ; l’on endure le serein, le chaud, le froid ; l’on trouble son repos, sa vie, pour ces vanités courtisanes [1] : et laisse-on affaires de poids pour du vent ? Nous sommes vains aux despens de nostre ayse, voire de nostre santé et de nostre vie. L’accident et très-leger [2] foule aux pieds la substance, et le vent emporte le corps, tant l’on est esclave de la vanité : et qui feroit autrement seroit tenu pour un sot et mal entendant son monde : c’est habilité de bien jouer cette farce, et sottise de n’estre pas vain. Estans venus aux propos et devis familiers, combien de vains et inutiles, faux, fabuleux, controuvés (sans dire les meschans et pernicieux qui ne sont de ce compte),

  1. Ces vanités de courtisans.
  2. C'est-à-dire, l'accident, et même le plus léger. L'édition de Dijon a mis à tort : l'accident très leger.