vent et nous privons de
nos commodités et biens, et nous nous gehennons
[1] pour former les apparences à l’opinion
commune. Cecy est vray, non-seulement aux
choses externes, et du corps, et en la despense
et emploite
[2] de nos moyens, mais encore
aux biens de l’esprit, qui nous semblent estre
sans fruict, s’ils ne se produisent à la veue et
approbation estrangere, et si les autres n’en
jouyssent.
Nostre vanité n’est pas seulement aux simples pensées, desirs et discours, mais encore elle agite, secoue et tourmente et l’esprit et le corps : souvent les hommes se remuent et se tourmentent plus pour des choses legeres et de néant que pour des grandes et importantes. Nostre ame est souvent agitée par des petites fantasies, songes, ombres, et resveries sans corps et sans subject ; elle s’embrouille et se trouble de cholere, despit, tristesse, joye, faisant des chasteaux en Espagne. Le souvenir d’un adieu, d’une action et grace particuliere, nous frappe et afflige plus que tout le discours de la chose importante. Le son des noms et de certains mots prononcez piteusement, voire des souspirs et exclamations, nous penetre jusqu’au vif, comme sçavent et practiquent bien les harangueurs, affronteurs, et vendeurs de vent et de fumée. Et ce vent surprend et emporte quelque fois