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LIVRE I, CHAPITRE XXXVII.


emportées par le vent, orde [1] semence en son commencement, esponge d’ordures, et sac de miseres en son milieu, puantise et viande de vers en sa fin, bref la plus calamiteuse et miserable chose du monde. Job, un des plus suffisans [2] en ceste matiere, tant en theorique qu’en practique, l’a fort au long depeinct, et après luy Salomon, en leurs livres. Pline, pour estre court, semble l’avoir bien proprement representé, le disant estre le plus miserable, et ensemble le plus orgueilleux de tout ce qui est au monde, solum ut certum sit nihil esse certi, nec miserus quicquam homine aut superbus [3]. Par le premier mot (de miserable) il comprend toutes ces precedentes peinctures, et tout ce que les autres ont dict : mais en l’autre (le plus orgueilleux) il touche un autre grand chef bien important, et semble en ces deux mots avoir tout dict. Ce sont deux choses qui semblent bien se heurter et s’empescher que misere et orgueil, vanité et presomption : voilà une estrange et monstreuse cousture que l’homme.

D’autant que l’homme est composé de deux pieces fort diverses, esprit et corps, il est malaisé de le bien

  1. Sale.
  2. Capables.
  3. « De manière qu'une chose est certaine, c'est qu'il n'y a rien de certain, et qu'il n'y a rien de plus misérable ou de plus superbe que l'homme. » Plin.