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DE LA SAGESSE,


nous charge imperceptiblement de plusieurs imperfections. On veust appeller sagesse une difficulté d’humeurs, un chagrin et desgoust des choses presentes, une impuissance de faire comme devant : la sagesse est trop noble pour se servir de tels officiers ; vieillir n’est pas assagir [1] ny quitter les vices, mais seulement les changer, et en pires. La vieillesse condamne les voluptés, c’est pource qu’elle est incapable de les gouster, comme le chien d’Esope ; elle dict qu’elle n’en veust point, c’est pource qu’elle n’en peust jouyr ; elle ne les laisse pas proprement, ce sont elles qui la desdaignent ; elles sont tousjours enjouées et en feste ; il ne faut pas que l’impuissance corrompe le jugement, lequel doibt, en la jeunesse, cognoistre le vice en la volupté, et, en la vieillesse, la volupté au vice. Les vices de la jeunesse sont temerité, promptitude indiscrete, desbauche et desbordement aux voluptés, qui sont choses naturelles, provenantes de ce sang bouillant, vigueur et chaleur naturelle, et par ainsi excusables ; mais ceux de la vieillesse sont bien autres. Les legers sont une vaine et caduque fierté, babil ennuyeux, humeurs espineuses et insociables, superstition, soin des richesses lors que l’usage en est perdu, une sotte avarice et crainte de la mort, qui vient proprement, non de faute d’esprit et de courage, comme l’on dict, mais de ce que le vieillard s’est lon-

  1. Devenir sage.