prodigi.
[1]
Nous la perdons, dissipons, et en faisons marché,
comme de chose de neant et qui regorge ;
nous tombons tous en l’une de ces trois fautes,
l’employer mal, l’employer à rien, l’employer
en vain :
magna vitæ pars elabitur male agentibus, maxima
nihil agentibus, tota aliud agentibus
[2]. Personne n’estudie à vivre ; l’on
s’occupe plustost à tout autre chose ; l’on ne
sçauroit rien bien faire par acquit, sans soin
et attention. Les autres reservent à vivre jusques
à ce qu’ils ne puissent plus vivre, à jouir
de la vie alors qu’il n’y aura plus que la lie et
le marc ; quelle folie et misere ! voire y en a
qui ont plustost achevé que commencé à vivre,
et s’en vont sans y avoir bien pensé.
Quidam vivere incipiunt cum desinendum, quidam
ante desierunt quam inciperent : inter cætera mala
hoc quoque habet stultitia, semper incipit vivere
[3].
La vie presente n’est qu’une entrée et issue de comedie, un flux perpetuel d’erreurs, une tisseure d’adventures, une suite de miseres diverses, enchain-
- ↑ « Nous ne sommes pas avares de la vie, nous en sommes bien plutôt prodigues ».
- ↑ « Une grande partie de la vie se passe à mal faire ; la plus grande, à ne rien faire ; la vie entière à faire autre chose que ce qu'on doit ». Senec.
- ↑ « Quelques-uns commencent à vivre, lorsqu'il faut cesser ; d'autres ont cessé de vivre avant d'avoir commencé : parmi les autres maux de la folie, il faut compter celui-ci : elle commence toujours à vivre ».