Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
XXXII
PRÉFACE


titre. Tous en général au premier et simple mot de sagesse, conçoivent facilement et imaginent quelque qualité, suffisance ou habitude non commune ny populaire, mais excellente, singulière

    réglé en toutes choses, qui se peut trouver avec peu de pieté et preud’hommie, et regarde plus la compaignée et l’autruy que soy-mesme. Mais nous le prenons en sens plus universel, commun et humain, comprenant tant la volonté que l’entendement voire tout l’homme en son dedans et son dehors, en soy seul, en compaignée, cognoissant et agissant. Ainsi nous disons que sagesse est preude prudence, c’est à dire preud’hommie avec habilité, probité bien advisée. Nous sçavons que preud’hommie sans prudence est sotte et indiscrette ; prudence sans preud’hommie n’est que finesse : ce sont deux choses les meilleures et plus excellentes, et les chefs de tout bien ; mais seules et séparées, sont défaillantes, imparfaites. La sagesse les accouple, c’est une droitture et belle composition de tout l’homme. Or elle consiste en deux choses, bien se cognoistre, et constamment estre bien réglé et modéré en toutes choses par toutes choses : j’entends non seulement les externes qui apparoissent au monde, faits et dits ; mais premièrement et principalement les internes, pensées, opinions, creances desquelles (ou la feinte est bien grande, et qui enfin se descouvre) sourdent les externes. Je dis constamment, car les fols parfois contrefont, et semblent estre bien sages. Il sembleroit peut-estre à aucuns qu’il suffiroit de dire que la sagesse consiste à estre constamment bien réglé et modéré en toutes choses, sans y adjouster bien se cognoistre : mais je ne suis pas de cet advis ; car advenant que par une grande bonté , douceur et soupplesse de nature, ou par une attentive imitation d’autruy, quelqu’un se comportat