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LIVRE I, CHAPITRE XXXV.


plus estrange et contraire vice, c’est cruauté. Or en cecy les bestes ont bien de quoy faire rougir l’homme, en ces huict mots : elles ne s’attaquent et n’offensent gueres ceux de leur genre, major serpentum ferarumque concordia quàm hominum [1] : ne combattent que pour très grandes et justes causes, deffense et conservation de leur vie, liberté, et leurs petits ; avec leurs armes naturelles et ouvertes, par la seule vive force et vaillance d’une à une, comme en duels et non en troupe, ny par dessein ; ont leurs combats courts et tost expediés, jusques à ce que l’une soit blessée ou qu’elle cede ; et le combat finy, la querelle, la haine, et la cholere est aussi terminée. Mais l’homme n’a querelle que contre l’homme, pour des causes non seulement legeres, vaines et frivoles, mais souvent injustes ; avec armes artificielles et traistresses ; par fraudes et mauvais moyens ; en troupe et assemblée faicte avec dessein : faict la guerre fort longuement et sans fin, jusques à la mort ; et ne pouvant plus nuire, encore la haine et la cholere dure.

La conclusion de ceste comparaison est que vainement et mal l’homme se glorifie tant par dessus les bestes. Car si l’homme a quelque chose plus qu’elles, comme est principalement la vivacité de l’esprit et de l’entendement, et les grandes facultés de l’ame ; aussi

  1. « Il y a plus de concorde entre les serpents et le bêtes féroces qu'entre les hommes ».