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LIVRE I, CHAPITRE XXXV.


mesme, le cheval accoustumé à la guerre dormant en sa lictiere tremousse et fremist, comme s’il estoit en la meslée, conçoit un son de tambour, de trompette, une armée : le levrier en songe halettant, allongeant la queue, secouant les jarrets, conçoit un lievre spirituel : les chiens de garde grondent en songeant, et puis jappent tout à faict, imaginant un estranger arriver. Pour conclure ce premier poinct, il faut dire que les bestes ratiocinent, usent de discours et jugement, mais plus foiblement et imparfaictement que l’homme. Elles sont inferieures en cela à l’homme, et non pas qu’elles n’y ayent du tout point de part. Elles sont inferieures à l’homme, comme entre les hommes les uns sont inferieurs aux autres, et aussi entre les bestes s’y trouve telle difference : mais encore y a-il plus grande difference entre les hommes ; car, comme se dira après, il y a plus grande distance d’homme à homme, que d’homme à beste[1].

Mais pour tout cela l'on ne peust pas inferer une equalité ou pariage [2] de la beste avec l'homme (combien que, comme Aristote dict, il y a des hommes si

    modifie, d'après la capacité (le degré d'intelligence) de celui qui en a reçu l'impression ».

  1. On peut objecter que les bêtes font toujours la même chose, et ne savent point varier leurs combinaisons, tandis que l'homme combine les mêmes objets de cent façons différentes.
  2. Parité.