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DE LA SAGESSE,


jonction et division, et consequences, aussi ne sçauroyent-ils dire ce que c’est que ceste inclination et instinct naturel ; ce sont des mots qu'ils usurpent mal à propos, pour ne demeurer sourds et muets. Encore ce dire se retorque contr’eux ; car il est sans comparaison plus noble, honorable, et ressemblant à la divinité, d’agir par nature, que par art et apprentissage ; estre conduict et mené par la main de Dieu, que par la sienne, et reiglement ; agir par naturelle et inevitable condition, que reiglement par liberté fortuite et temeraire. Par cette opposition d’instinct naturel ils les veulent aussi priver d’instruction et discipline tant active que passive : mais l’experience les desment ; car et elles la reçoyvent, tesmoins les pies, perroquets, merles, chiens, comme a esté dict ; et la donnent, tesmoin les rossignols, et surtout les elephans, qui passent tous animaux en docilité et toute sorte de discipline et suffisance.

Quant à ceste faculté de l’esprit, dont l’homme se glorifie tant, qui est de spiritualiser les choses corporelles et absentes, les despouillant de tous accidens pour les concevoir à sa mode, nam intellectum est in intelligente ad modum intelligentis [1], les bestes en font de

  1. C'est sans doute là du jargon de la philosophie scholastique. Je vais tacher de rendre un peu plus claire, en la paraphrasant, cette phrase obscure, qu'on peut appeler du galimatias : « Car l'image des objets reste dans l'esprit et s'y